[extrait] Le colibri

    

 "Comment se fait-il que nous n’ayons pas pris conscience de la valeur inestimable de notre petite planète, seule oasis de vie au sein d’un désert sidéral infini, et que nous ne cessions de la piller, de la polluer, de la détruire aveuglément au lieu d’en prendre soin et d’y construire la paix et la concorde entre les peuples ?

    Ces questions qui demeurent à ce jour sans réponse mettent en évidence la faillite de notre conscience et l’obscurantisme dans lequel nous évoluons en dépit de nos connaissances. Nous restons enlisés dans un profond et immense malentendu. Et je me demande si nous ne confondons pas nos aptitudes, qui nous permettent tant de performances pour le meilleur et pour le pire, avec l’intelligence qui devrait éclairer nos actes et nous aider à construire un monde différent…

    Ces constats obligent à se demander si l’humanité est encore en mesure d’orienter son destin vers l’indispensable humanisation, à savoir la construction du monde avec ce qu’elle a de meilleur pour éviter le désastre du pire. Cette question se pose à la conscience de chacun d’entre nous. Et en dehors des grandes décisions politiques que les États doivent prendre et pour lesquelles nous devons militer, il nous appartient également à titre individuel de faire tout ce que nous pouvons dans notre sphère privée et intime, comme nous l’enseigne la légende amérindienne du colibri, appelé parfois l’« oiseau-mouche », ami des fleurs…

    Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés et atterrés observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s’active, allant chercher quelques gouttes d’eau dans son bec pour les jeter sur le feu. Au bout d’un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? » « Je le sais, répond le colibri, mais je fais ma part. »

    Telle est notre responsabilité à l’égard du monde car nous ne sommes pas totalement impuissants si nous le décidons. 

    Aujourd’hui, l’ensemble de la société planétaire est en crise – sociale, économique et écologique – avec des risques de changement climatique et d’effets écologiques prévisibles et imprévisibles. L’épuisement à terme des ressources énergétiques fossiles, associé à une demande qui s’accroît sans cesse, constitue une menace de conflits sans précédent en même temps que le grippage de la civilisation de la combustion. Le modèle de développement qui a prévalu durant les deux derniers siècles se révèle totalement inadéquat pour les critères élémentaires de la pérennité que la nature et l’écologie nous donnent en exemple."

Pierre Rabhi - La part du Colibri - L'aube

Commentaires

Articles les plus consultés