[extrait] Le gaspillage

  

Réfléchit-on à la somme de travail, d'essais infructueux, d'ingéniosité qui se dépense pour fabriquer les mille petites choses que je gâche journellement ? Combien d'énergies pour que je puisse goûter un morceau de pain, pour que je boutonne un vêtement, que j'écrive une lettre ? Si je récapitulais le soir combien j'ai fait de gestes et dit de paroles inutiles. combien d'objets jetés, de nourriture perdue, de pas sans motifs, de rêveries sans but, de forces usées ou détruites. par caprice, par désoeuvrement ? 

Je sais cependant comme la Nature tient compte de tout, d'une herbe brisée comme d'un clin d'oeil vaniteux. Je sais être son débiteur; que je mésuse de ses prêts, que je les laisse improductifs ou que je les dilapide, je contracte une même responsabilité. Celui qui jette du pain au ruisseau se condamne lui-même à souffrir de la faim; qui maltraite ou exténue ses animaux se condamne à la ruine; qui dépense, sans motif valable. sa force ou son intelligence, appelle sur lui-même la faiblesse et l'imbécillité. 

Je ne pallierai les suites de mes étourderies qu'en apprenant à me contrôler, à faire chaque chose à sa minute, à utiliser le temps si précieux. Je fais partie intégrante d'un grand tout compact. L'Invisible me relie à toutes les créatures bien plus solidement encore que la vitalité ne retient ensemble les organes de mon corps et leurs cellules. Aucune ne se perd des énergies que j'émets. Rien n'est sans valeur de ce que les hasards apparents mettent à ma portée.

OBSERVANCE : Etre économe pour soi et généreux pour les autres.

Paul Sédir - méditations pour chaque semaine - 1925

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